Lundi 6 mai

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: mardi, mai 7, 2024 Hit: 31
Elle m’a manqué outrancièrement cette fin de semaine. Je lui écrivais des messages anodins, afin de recevoir une phrase ou deux, un signe, une présence, de loin en loin. Je ne voulais malgré tout pas perturber son travail, alors je lui ai tu ma solitude, me suis mis à lire, plusieurs heures, difficilement d’abord puis les lignes se sont enchainées, ont prodigué leurs soins. Un monde s’ouvre, paisible et sensé, il me dit que je suis à ma place.  
Au réveil, nul trace de peine d’amour. J’attaque la journée par quelques exercices et étirements, puisque depuis samedi, les prémices d’un lumbago tirent mes lombaires. A l’atelier souterrain, après la promenade avec M, pour emballer les colis. Je m’y tiendrai jusqu’en milieu d’après-midi. Quelques travaux d’organisation ensuite, pour l’association, un peu de lecture, une balade avec M, encore, sous la pluie de retour et je reprends mon poste, devant l’ordinateur, comme un ouvrier du livre ou un moine bénédictin, plaisanterait ADC. Il voudrait voir dans la similitude des jours qui passent une variante, un événement d’apparence banal qui rendrait ce jour différent, peut-être une autre lecture, une autre saison, un autre message venu d’ailleurs, tout comme un fait anodin, poétique, presque spirituel. Samedi, j’avais remarqué ces trois fleurs de clématite bleues dans un jardin proche et les avais prises en photo. Hier, un rouge-queue intrépide s’est posé à trois enjambées de M pour s’envoler aussitôt. Il arrive que je reçoive un message d’elle, au moment où je m’y attend le moins, mais certainement pas alors que je les provoque maladroitement, ou même grossièrement, peut-être désorienté par le désoeuvrement que je m’impose, le repos, au dernier jour de la semaine. Je peux comprendre la détestation de certaines personnes pour les dimanches, leur torpeur, leur ennui gâché par l’idée de s’engager dans une nouvelle semaine. Le septième jour, donc. Il me semblait avoir besoin d’une pause. Aujourd’hui, je me suis finalement arcbouté sur l’ossature solide des jours, leurs rituels, son habitus pour me laisser agir sans risque de dérive, de folie. Il fut un temps où elle m’aurait enroulé sans que je lui oppose de résistance.