Lundi 29 septembre 2025

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: lundi, septembre 29, 2025 Hit: 13

Je fus saisi d’une grande fatigue la semaine dernière, que les nuits d’insomnie aggravèrent autant que la mélancolie, les angoisses diverses débordant de l’oubli. Mon corps coincé, vrillé, se rappelait aussi à la noirceur de mes vues. Je payais peut-être encore mon heureuse équipée à N. En valait-elle la chandelle ? Hier, j’ai dormi presque tout le jour, qui a suivi une longue nuit, sans chiens pour perturber le sommeil. Je les avais laissés à J samedi matin à M puis la journée s’est étirée sur la place, m’a paru interminable, même si les clients se sont montrés. Déjà, le matin, j’avais constaté que le plus précieux de mes cartons avaient pris l’eau dans le coffre de la fourgonnette. Plusieurs livres anciens sont touchés, le préjudice se compte en milliers, mais, surtout, ces beaux livres ne s’en remettront pas. Ils sèchent depuis ce matin sur le bar de la cuisine. Tellement fatigué que j’en avais oublié de retirer ce carton, placé au plus mauvais endroit. Voltaire est touché, un traité de physique, de chimie, un traité d’horlogerie du XVIIe siècle. J’ai maudit mon inconséquence. Finalement, le marché de R, mauvais la semaine dernière, a fini par me couter cher. Mais le repos d’hier a emporté la semaine, ses états d’âmes. Je me lève en meilleure forme, m’acquitte des corvées avec bonne volonté. Plus tard, dans l’après-midi, je rejoins J et les chiens pour une promenade le long de la D. Je suis heureux de les voir tous. Je ramènerai M et A avec moi plus tard, passerai un moment à les laver, amusés qu’ils étaient à se rouler dans la merde. Plus tard dans la soirée, je reprends la saisie de livres en stock. Je tente de renforcer la carapace qui me protège du vacarme du monde, sa violence. J’ai commencé le dernier livre de Sigrid Nunez, Les Vulnérables.