Jeudi 4 avril

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: jeudi, avril 4, 2024 Hit: 42

Je me lève de bonne humeur après une fin de journée sombre hier. La matinée commençait pourtant bien, mais une torpeur m’a envahi en début d‘après-midi, suivi de la noirceur des mauvais jours. J s’est invitée à ce moment et j’avais de la difficulté à suivre ses paroles, elle qui va pourtant mieux, qui réveille son goût de la vie avec la lumière du printemps, et même, montrait l’irritante joie surfaite au revers de sa peine. Nous allons marché un instant avec M, une courte promenade sous la pluie. J est repartie rapidement sans entrer à la maison. L’ombre s’est jetée plus intensément, arrêtant le cour du travail, de vie de l’autre, des drames immondes qu’il vit ailleurs. Voilà longtemps que je n’avais pas été parcouru par cette indifférence crasse et par le souci exagéré de moi-même, malade, m’empêchant de m’occuper du prochain livre, du prochain mot, de mon prochain, obnubilé par mon centre de gravité. J’ai erré sur le canapé, de pénibles mélopées en tête en regards vers l’écran. Je n’étais pas même souffrant, simplement triste d’en arriver là, à nouveau. Comment la belle vigueur du matin avait-elle pu se transformer en trou noir ? J’ai tant vécu cette situation par le passé, sans jamais comprendre vraiment, mais en apprenant sagement à laisser passer. La honte au corps, j’ai concentré les efforts pour me remettre au travail. AC a appelé tard, par hasard, je ne l’attendais pas. La conversation m’a diverti, malgré la fatigue. Après la balade avec M au creux de la nuit, des traces de la fin d’après-midi persistaient, mais j’étais plus paisible. Je me lève de bonne humeur. Le sommeil efface parfois les affres de la veille, et c’est un mystère aussi. A KB, en début d’après-midi, il pleut toujours. Je rentre serein. J’emballe les colis, je promène M dans l’humidité de R, m’entretiens avec des voisins. Je saisis un nouveau lot, déjà ancien, celui de monsieur B, un cadre à la retraite qui n’avait pas voulu me dire comment il avait déniché mes coordonnées. Il m’avait vendu des alsatiques et des illustrés modernes bien reliés. La vie reprend.