Hier, E est reparti après une semaine passée en vacances à la maison. Avec la fatigue, sa visite m’a parfois semblé pénible, perturbant aussi le cour répétitif des jours. Les extrémités des générations se sont succédées chez moi depuis un mois. Leur passage m’a laissé pareillement triste, à constater comme le sens des réalités s’effrite chez les anciens tandis que j’observe la naïveté au devant d’une réalité qui n’a pas encore frappé chez le plus jeune. Ceux qui vont partir et ceux qui viennent d’arriver me renvoient en solitude. E, attachant et curieux, cherchant ce qui le rattache au monde et l’en différencie ,s’occupe de son téléphone, de son rubiscube. Il s’intéresse aux écrans, peu à la lecture, bien qu’il ait ressorti quelques Cahiers d’Esther de Riad Sattouf de la bibliothèque, qu’il ait apporté dans sa valise un livre de SF auquel il n’a semble-t-il pas touché. Un jour, nous avons pu parler un peu des livres. Au sortir de la librairie, il me disait comme lire lui servait à s’évader. Il ne savait pas encore comme les livres peuvent aider à envisager la réalité, à la comprendre, à la faire parler. Il semble appartenir à une génération dans laquelle tout « objet culturel » se vaut, surtout s’il détourne du monde. Les anciens, eux, épluchaient le journal avec inquiétude, lisaient des livres qui leur enseignent la dureté de la guerre. Le jeune a remplacé les thématiques pessimistes par des voyages dans le temps, des elfes et des robots. Heureusement, durant ces jours, j’ai pu sortir mon stand (E m’a accompagné samedi dernier), rencontrer des amis, m’éloigner en somme de la réalité familiale.
Au matin, j’achève l’emballage des colis, commencé la veille après le départ d’E. Le site de la poste est en dérangement. Je les dépose avant midi. Au relais colis, l’une des soeurs propriétaires m’apprend que le commerce a été évincé par la société de livraison. Il faudra désormais utiliser une machine, à côté du supermarché. En début d’après-midi, je m’occupe de l’événement de M qui aura lieu le mois prochain, appelle PM, XL pour peaufiner des détails. Je lis ensuite J’écris l’Iliade de Pierre Michon. L’auteur a sans aucun doute laissé derrière lui le meilleur de son oeuvre, mais le livre comprend de belles pages, bien meilleures que celles de nombreux auteurs actuels. Je m’assoupis, bercé par des rêves doux, qu’il me semble pouvoir dicter à mon inconscient. A mon réveil, je sors tondre la pelouse, vide la camionnette en vue de notre déplacement demain, à XH et à moi. En soirée, je reprends la saisie de stock, laissée de côté depuis dix jours.
Les visites m’épuisent, me travaillent, exacerbent l’impression en moi d’étrangeté, d’être étranger. Mais, quand je me retrouve vraiment seul, voguant sur les flots de l’habitude, je me demande pourquoi je préfère cette réalité. Il me tarde que l’on vienne me rencontrer à nouveau.