Parfois, un détail peut marquer une journée et d’autres fois je ne retiens qu’un sentiment général. Une montée de stress, probablement accrue par une consommation trop importante de café, a occupé ce jour chaud et ensoleillé. Quand je pars poster mes colis, juste avant midi, la clé se bloque dans la serrure du démarreur du fourgon, s’ajoutant au problème d’injection déjà détecté la semaine dernière. Le véhicule, qui atteint ses 300 000 km semble en fin de vie. Bien que je réussisse à démarrer, JN me confirmera plus tard que la panne finira par advenir, il faudrait que je songe à changer de véhicule pour un modèle plus récent. Le coût de cet investissement me coûtera des milliers des livres, des centaines de kilos de papier. Il semble parfois que l’on travaille beaucoup pour conserver la simple possibilité de travailler. A ce stress s’ajoute celui du changement de ma grille de frais de port, puisque la poste interrompra dans quelques jours son tarif « Livres et Brochures » pour l’étranger. Ce tarif permettait de promouvoir la culture française dans le monde, mais l’entreprise perdait beaucoup d’argent à le maintenir. La fin du tarif risque d’entraîner une baisse importante des ventes à l’étranger. Je crains de revivre le début de l’été de l’an passé. Après deux bons trimestres, les ventes s’étaient écroulées, j’avais eu du mal à boucler les deux seconds. J’ai tort, malgré tout, de voir dans ces mésaventures une forme de présage, et devrais ne pas perdre de vue les leçons de Spinoza, d’après Deleuze, sur ce type de croyances. Les signes ne sont à reconnaître que dans les êtres avec lesquels on peut créer des compositions, non comme étrangement tombés du ciel. Mon antique foi d’enfant me porterait parfois à laisser Dieu agir. Mon expérience me tourne davantage vers L’Ethique, lue difficilement il y a trois ans et de nouveau éclairée par le cours de Gilles Deleuze. Je le lis, en fin d’après-midi, avant de partir en promenade avec M par le pré, il m’apporte de l’apaisement. M cherche l’ombre. Nous croisons l’homme à l’harmonica de l’autre jour, son petit chien, très intéressé par M, mais l’homme le tire à lui et disparait au bout du chemin. En soirée, je m’occupe de la grille de frais de port, échange avec JN à propos des offres de véhicules d'occasion. La nuit tombe tard, s’étire dans un long crépuscule. Le tumulte du jour s’arrête, le grand silence revient, parfois perturbé par une voix rieuse qui entre par les fenêtres ouvertes.