Lundi 27 mai

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: mardi, mai 28, 2024 Hit: 47
Après une journée blanche hier, je reprends le travail en commençant par répondre à quelques messages, liés à l’événement de samedi. J’appelle madame N, qui est passée sur le marché et voudrait me vendre quelques livres de la collection L’univers des formes. J’irai dans la soirée. En attendant, je dois emballer les commandes du week-end. La corvée me prendra l’après-midi. Je passe à la poste après la levée. Etrangement, deux ou trois commandes différentes sont tombées pour des catalogues de céramistes. Ils partent dans des directions opposées. J’ai le temps de saisir quelques livres en stock avant de partir. Malgré le GPS, je peine à trouver l’adresse. Madame M m’accueille dans un appartement avec une grande baie vitrée et une vue imprenable sur M. Au loin, les montagnes et le monde au-delà. Les livres sont en parfait état et l’exemplaire de L’Afrique Noire de Michel Leiris compte parmi les exemplaires. Je propose mon prix. Madame N négocie un peu, par principe, j’accepte. Elle me demande de m’assoir et m’entretient de ses fils, desquels elle s’est rapprochée depuis la mort de son mari. Ce dernier est tombé d’un arbre, n’a pas survécu. La collection lui appartenait. Parfois, il sortait un livre du rayonnage et le feuilletait. Madame N me parle surtout de son fils aîné, qui devait venir la supporter devant moi, mais est retenu par son travail d’infirmier psy. Elle me parle aussi de son métier d’institutrice, de son amour de la lecture, malheureusement impossible désormais en raison de sa maladie dégénérative des yeux, une DMLA. Sur la table du salon, un petit appareil lui permet d’écouter la lecture de livres. Je lui parle de ma grand-mère, de sa tristesse d’aveugle, dans son grand âge, d’être dépendante des fonds de la bibliothèque sonore, de la bonne volonté de ses enfants à lui lire le journal. Je rentre après avoir tracté trois gros cartons sur mon diable, que j’avais eu la bonne idée d’apporter. Sur le trottoir, un client, interpellé par les livres, m’arrête et cause deux minutes avec moi. Il consultera mon site, dit-il. 
Au retour, j’appelle C qui me parle longuement de ses enfants, ces petits à qui je laisserai  sans doute tout cela un jour.