Je reviens d’une soirée à la librairie d’A et N, consacrée à Gershom Scholem et à son jouranl posthume Quitter Berlin, Journal 1913-1923, présenté par AG, son éditrice et A. Elles m’ont magistralement donné l’envie de lire ce livre, dans un discours passionné et éclairé. J’avais acquis il y a quelques jours. J’ai longtemps cherché des personnes en qui reconnaître le même sentiment d’appartenance à une République des lettres. J’y suis parvenu par la librairie, modestement acteur moi-même, ouvrier du livre. A et N, particulièrement A, aiment à tenir et insister sur le rapprochement amical que peuvent opérer la lecture, l’intérêt pour la pensée et le langage. Plus qu’un intérêt, je le vois comme un art de vivre, presqu’une religion dans mon cas. Je retrouverai certainement mes amis la semaine prochaine afin de les aider à transporter trois cartons vers un lieu de vente. Nous verrons.
Je me lève plus tôt ce matin. Le voisin GD me le signalera lors de ma promenade matinale avec M. Ici, les fenêtres ont des yeux. A 14h, je me suis acquitté des tâches quotidiennes, colis prêts à l’envoi, livres enregistrés et classés dans les étagères, prêts à partir à deux pas d’ici, à l’autre bout de la France ou au Japon. Un peu nerveux, préoccupé par ma visite à KB, je sens que je devrais aborder la question de certains symptômes envahissants, mais m’y refuse, par simple honte d’exposer les petits délires dont je sais qu’ils s’avèrent inauthentiques, faux. Justement, je me reporte que la question de l’authenticité que j’ai dégottée dans le cours de Deleuze sur Spinoza. L’on sent, pressent la chose inauthentique, la personne, l’objet et il n’est nul question de jugement, mais d’épreuve. On éprouve l’objet et même si l’on se trompe, l’objet sera vrai ou faux en lui-même. Soyons indulgent, ma fuite ne peut être que partie remise. Cet extrait m’y prépare certainement, tout comme la lecture du livre d’Emmanuel Venet Schizogrammes, qui m’avait amené par l’humour à me questionner à propos de certains de mes traits intimes jugés indignes et mis au banc. Le thème de l’aveu refait surface, et même quelque chose qui regarde la faute, alors que je sais bien qu’il n’en est rien.
Je rentre au crépuscule, lance la balle à M, dîne frugalement - j’avais avalé une tranche de pain et de fromage avant de partir. Je ne serai sans doute jamais prêt pour la mort qui rôde.