Jeudi 2 mai

Posted By: Gabriel Feret In: Journal d'un libraire On: jeudi, mai 2, 2024 Hit: 39
Après la chaleur et le soleil d’hier, le temps a tourné au frais et à la pluie. J’attendrai davantage d’informations météorologiques pour me décider à déballer à N dans dix jours. J’envoie un message à P. En fin d’après-midi, je me décide à l’appeler, car c’est le deuxième message qu’il laisse sans réponse. Il me dit qu’il va bien, je pressens pourtant le contraire. J’appellerai M pour m’enquérir de son impression, mais je crains de l’avoir laissée inquiète en raccrochant. Parfois je me dis que P serait capable de nous cacher le pire. Je me dis aussi que s’il disparaissait, non seulement je perdrais un frère, mais la pratique même de la librairie en serait heurtée, bouleversée. 
Je pars pour KB en milieu de journée. J a prévenu qu’elle passerait quand je rentrerai, après un rendez-vous chez le médecin. Elle s’inquiète pour sa santé, ressent des douleurs au ventre. Depuis que je la connais, J est victime de douleurs inexpliquées. Son hépatite, il y a quatre ans, quoique virale, ne relevait d’aucun type connu. M et elle se font grande fête pour leurs retrouvailles. Nous bavardons jusqu’en milieu d’après-midi, du spectacle qu’elle a organisé avant-hier dans le plus grand théâtre de M, de sa santé, de Paul Auster, décédé avant-hier en fin d’après-midi à Brooklyn. Avec un peu d’angoisse, J attend les résultats de son examen de sang, prélevé juste après son rendez-vous chez le médecin. Elle repart et j’emballe mes colis. Trop tard pour me rendre à la poste. Une pluie diluvienne, orageuse, s’est abattue sur R, moins soutenue toutefois quand je sors pour le tour habituel avec M. Je travaille ensuite à la saisie de mon stock. J’en suis un peu las et me dis que j’aurais besoin de quelques jours de délassement. Sans moyens, je ne peux pas partir ne serait-ce que trois ou quatre jours, à moins de pomper dans les réserves. De plus, dans un mois, je devrais partir quelques jours à P. L’an passé, par un grand beau temps, j’avais traversé le pays jusqu’à AEP revoir les cousins Y et M-R, la tante G-G, qui se prépare maintenant à rentrer en maison de retraite. Elle vient de perdre une soeur de sa communauté, déjà moribonde. Quand je les avais rencontrées toutes deux l’an passé, le sentiment brutal de leur vieillissement m’avait frappé, celui de leur engagement, de leurs idées, de leur foi, auxquels elles ont donné leur vie. Une génération s’en va à bas-bruit, m’étais-je dit, et avec elle, peut-être, le rêve d’un monde plus humain et plus juste. A chaque fois que je trouve un livre qui concerne Charles de Foucauld, je pense à G-G.  Au soir, J m’envoie un message pour me prévenir que les résultats d’analyses sont tombés et parfaitement normaux.
Je n’ai pas bu d’alcool depuis le départ d’AC il y a trois semaines.