Sur la lecture

Posted By: Gabriel Feret In: Vie de la Librairie On: dimanche, janvier 25, 2015 Hit: 977

 

Il est toujours de très bon ton de dire à un libraire que les jeunes lisent moins, et que c'est bien triste, mon bon monsieur. Voilà un mythe qu'il serait intelligent de faire tomber. L'histoire de la lecture est inhérente à celle de l'éducation : quoiqu'on en dise, avec les critiques que l'on peut donner au système actuel,  l'éducation a peu à peu pénétré chaque couche de la société au cours du XXè siècle et, avec elle, les livres. Quand on se reporte au livre de Didier Eribon Retour à Reims, on s'aperçoit comme le livre peut avoir une connotation à la fois positive et comme il représente en soi une clé vers une meilleure vie dans les basses couches de la société des années 50 et 60, mais l'on s'aperçoit aussi comme il semble complètement inaccessible à la plupart des ouvriers. Si l'auteur contesterait sans aucun doute un changement quant à l'ascensseur social, le livre est malgré tout beaucoup plus présent dans les quartiers pauvres, y ayant pénétré par un long travail de bénévoles et d'élus.

On argumentera que les jeunes ont effectivement accès aux livres, mais qu'ils ne s'y intéressent pas, leur préférant les écrans. Il s'agit là de faire tomber un autre mythe : les écrans ne remplacent pas les livres. Quand la télévision est arrivée dans les foyers, on avait déjà craint ce grand remplacement. L'arrivée de la télévision n'a pas chassé les bibliothèques, quand il y en avait, des appartements où elle est entrée, elle s'y est simplement ajoutée. Le constat peut être exactement  le même en ce qui concerne les ordinateurs, objets connectés et jeux videos (sur lequels planne le grand mythe, très bien ancré en société, de la violence et du détournement de la culture véritable, tout comme les films violents avaient joué ce rôle auparavant. Bien des articles sont parus sur le sujet mais il serait plutôt judicieux de s'interroger sur la véritable origine de la violence et du détournement de la culture au sein même de notre organisation sociale et politique).

Les ecrans, de plus, par internet, fourmillent d'informations et de textes, de signes. Leur curiosité est sans cesse sollicitée. Voir cet article.


Au grand desespoir de leurs parents, les jeunes ne lisent sans doute pas ce qu'ils aimeraient eux-mêmes qu'ils lisent : les livres au programme scolaire, si tant est qu'ils les aient lus eux-mêmes, et nous reviendrons alors à la simple question éducative. Qui n'a jamais assisté à cette scène des parents devant la télévision le soir envoyant leurs enfants lire au lit parce que "c'est bon pour eux" ?

On peut facilement constater que la culture classique est beaucoup moins enseignée, mais l'était-elle au plus grand nombre jusqu'aux années 70 ? Loin, très loin de là.

L'edition de la littérature pour enfants et pour adolescents a connu un remarquable bond ces dernières années et nous serions surpris, si nous voulions nous en donner la peine (ou si, pour certains, nous savions en parler) de constater qu'il est très souvent possible de parler littérature avec un adolescent. Pour finir sur la fausse opposition entre télévision et livre, je dirai aussi que l'on peut lire des saloperies toute sa vie sans jamais avoir regardé la télévision et avoir regardé des documentaires, films de cinéma, en un mot, s'être constitué une culture solide, grâce à la télévision. Le livre n'est pas bon en soi : on peut lire de la merde toute sa vie !